Vingt ans après la création de la Fondation et dix ans après l’adoption de la loi Taubira autorisant le mariage pour tous, BVA et Le Refuge ont réalisé une nouvelle enquête pour faire le point sur la situation des personnes LGBT+ en France. Sont-elles mieux intégrées dans la société et ses différentes sphères ? Sont-elles perçues de la même manière selon leur sexe ou leur orientation ? Pour les plus jeunes, se heurtent-ils à davantage de difficultés que les autres et si oui, quelles sont-elles ?
Acceptation des personnes LGBT dans la société : une dynamique positive quelque peu enrayée
Alors qu’elle avait progressé entre 2020 et 2022 (+7 pts), la part des Français jugeant que la situation des personnes LGBT+ au sein de la société s’améliore stagne cette année (45%, -1 pt vs. 2022). Une part similaire estime que leur condition reste inchangée voire qu’elle s’est même dégradée (respectivement 36% et 8%, soit 44% au total).
Cette tendance se confirme dans plusieurs domaines : dans le monde du travail (39% estiment que la situation s’est améliorée pour les personnes LGBT+, -1 pt après une hausse de 5 pts entre 2020 et 2022), dans le monde sportif (33%; -3 pts vs. +8 pts) et surtout, à l’école (28%; -6 pts vs. +9 pts). Dans ces deux derniers champs, plus d’un Français sur dix considère que les personnes LGBT+ sont moins bien acceptées que par le passé (12%) ; un sentiment accru chez les personnes se déclarant LGBT+ (respectivement 29% et 23%).
Ces résultats peuvent peut-être être reliés à la perception d’un engagement moins important de l’Etat dans la défense des personnes LGBT+ : le nombre de Français jugeant cette implication suffisante est en effet en baisse (34%, -6 pts). Après une année 2022 ayant vu naître plusieurs lois visant à réduire les discriminations et stigmatisations à l’égard des personnes LGBT+ (PMA, interdiction des thérapies de conversion), le gouvernement semble donc quelque peu décevoir et faire face à des attentes grandissantes sur cette problématique.
Des propos homophobes ou transphobes encore trop répandus
Plus concrètement, les manifestations directes d’homophobie et de transphobie demeurent très présentes. Ainsi, près de deux tiers des Français affirment avoir déjà entendu des propos dénigrants à ce sujet (62%, -4 pts). Également, la part d’individus ayant été témoin d’agressions verbales ou physiques envers des personnes LGBT+ reste significative (respectivement 21% et 8%, -2 pts et -1 pt). Enfin, le terme « PD » est toujours utilisé : toujours plus de 7 interrogés sur 10 affirment l’avoir déjà entendu (-5 pts vs. 2022, -7 pts vs. 2020). Si l’ensemble de ces propos sont moins présents que l’an dernier, ce qui est encourageant, ils demeurent néanmoins encore très fréquents.
Un Français sur deux se dit préoccupé par la situation des femmes et hommes homosexuel.les
Les Français font preuve d’un niveau de préoccupation relativement similaire à l’égard de l’ensemble des personnes LGBT+, qu’elles soient homosexuelles (48% pour les hommes comme pour les femmes), bisexuelles (43% pour les hommes comme pour les femmes), transgenres (40% pour les femmes, 39% pour les hommes) ou non-binaires (39%), même si leur inquiétude est tout de même un peu plus marquée concernant les personnes homosexuelles, hommes ou femmes.
Des Français majoritairement favorables à un accompagnement plus large des personnes LGBT+
Dans ce contexte, les Français estiment qu’il est surtout nécessaire de mettre en places de dispositifs permettant aux personnes LGBT+ d’apprendre à réagir face aux possibles discriminations (63% jugent ce projet nécessaire). L’accompagnement via un soutien mental en cas de besoin (dépression…) est également jugé essentiel (62%). La moitié des Français ou plus jugent aussi nécessaire d’accompagner les personnes LGBT+ sur les problématiques de santé sexuelle (60%), de transition de genre (55%) et de potentielles addictions (50%).
En revanche, alors que le gouvernement travaille actuellement à la mise en place d’une nouvelle loi relative à l’immigration, les Français apparaissent partagés quant à l’accueil des réfugiés LGBT+ en danger dans leur pays d’origine : 44% y sont favorables, 33% s’y montrent s’opposés. Il est toutefois important de noter que cette position n’est pas spécifique aux immigrés LGBT+ puisqu’à titre de comparaison, 38% des Français s’opposent à l’accueil de tout réfugié demandant l’asile en raison d’une persécution dans leur pays (Sondage BVA pour la Fondation Jean Jaurès, Avril 2023).
Zoom sur les jeunes LGBT+ : un accès à l’emploi plus complexe et des relations sociales (notamment familiales) fragilisées
Près de la moitié des Français jugent plus difficile pour les jeunes LGBT+ que pour les autres jeunes de trouver un emploi (45%).
Dans des proportions plus mesurées mais tout de même non négligeables, les interviewés dénoncent également des freins en matière de logement et de divertissement : environ un tiers des Français estiment en effet qu’il est plus ardu pour ces jeunes que pour les autres de trouver un logement et d’accéder aux loisirs. Selon 30% des Français, l’entretien de sa santé, de son bien-être serait aussi plus délicat pour ces jeunes, tout comme le maintien d’une alimentation saine (21%).
Toutefois, les principales difficultés identifiées par les Français se manifestent avant tout sur le plan social, d’abord par des relations générales plus complexes – 40% des Français considérant qu’il est plus difficile pour les jeunes LGBT+ d’avoir des relations sociales – mais surtout par un environnement familial dégradé. Ainsi, plus d’un Français sur deux trouve qu’il est plus compliqué pour les jeunes LGBT+ de nourrir des relations de bonne qualité avec sa famille (51%).
Des difficultés sans doute liées, en partie, aux différents comportements de rejet des parents de ces jeunes. Des comportements par ailleurs majoritairement condamnés par les Français : plus de 8 sur 10 ne comprennent pas que ces derniers puissent bannir leur enfant LGBT+ du domicile familial (81%), refuser tout contact avec lui ou encore faire preuve de violence à son égard (85%).
La contestation reste toutefois moins importante lorsqu’il s’agit du refus d’accepter que leur enfant soit LGBT+, avec une opposition qui s’affaiblit même (61%, -10 pts, bien que la compréhension ne progresse pas pour autant : 17% vs. 19%), conséquence d’une situation encore précaire et signe d’un travail de sensibilisation demeurant indispensable. L’indulgence subsiste également à un niveau élevé à l’égard des parents s’opposant à la transition de leur enfant : seulement un peu plus de la moitié des Français condamnent ce comportement (56%).