À la veille de l’ouverture de la Cité de la Réussite 2022 dont BVA est partenaire, une grande enquête quali-quanti menée par BVA et le BGC auprès des Français et des chefs d’entreprises montre que huit dirigeants sur dix privilégient le règlement immédiat des problèmes aux actions de long terme… alors qu’ils sont soumis à de plus en plus d’urgences.
Pour Dominique Lévy-Saragossi, DGA BVA France – qui signe la tribune  ci-dessous, relayée dans Les Échos en date du 24 juin – nous devons nous méfier du biais de l’immédiateté.

En 1972, à Stanford, une équipe de chercheurs a soumis 500 jeunes enfants à une expérience devenue célèbre. L’enfant est laissé seul face à un marshmallow. Il sait que, s’il ne mange pas la guimauve avant le retour de l’adulte, quelques minutes plus tard, celui-ci lui en offrira un second. Les deux tiers des enfants environ ne parvenaient pas à attendre.

On a, depuis, démontré que l’incapacité de ces enfants à renoncer à un petit plaisir immédiat au profit d’un plaisir plus grand, mais retardé, n’a pas grand-chose à voir avec leur âge, mais résulte du fonctionnement spontané de notre cerveau : nous sommes biologiquement programmés pour privilégier la satisfaction instantanée à un bienfait différé. Et il y fort à parier que l’adulte numéricus , adepte de l’instantanéité, de 2022 en est encore plus susceptible que l’enfant de 1972.

L’humain est spontanément enclin à préférer une récompense instantanée à une récompense future pourtant plus avantageuse. Et plus l’écart entre le « tout de suite » et le « plus tard » s’accroit, plus cette tendance s’accentue.

Ce biais d’immédiateté est majoré par le stress de l’urgence.

Or, selon l’étude BVA X BCG pour la Cité de la Réussite, 6 Français sur 10 ont, aujourd’hui, le sentiment d’être confrontés à «de plus en plus d’urgences ». La même proportion considère devoir faire face à des crises de plus en plus fréquentes, et (pour 70% d’entre eux) de plus en plus graves. Et plus de 80% nous disent privilégier le règlement immédiat des problèmes aux actions de long terme.

Les crises auxquelles nous sommes confrontés sont pourtant de natures extrêmement diverses. On pourrait, schématiquement, les situer sur deux axes : temps court/ temps long, d’une part et impact individuel / impact collectif d’autre part.

Le réchauffement climatique apparait, dans cette étude, comme la seconde urgence ressentie par les Français (la première pour les 18-24 ans), derrière le pouvoir d’achat. Cette tension « fin du monde/ fin du mois » n’est pas nouvelle. Elle oppose, sur nos deux axes,  une problématique individuelle de court terme à un défi collectif (planétaire) à durée indéterminée.

Elle les oppose d’autant plus que les réponses immédiates et individuelles à la crise du pouvoir d’achat (les arbitrages de consommation) peuvent être – et sont souvent – des obstacles à la lutte contre le réchauffement climatique.

Il ne s’agit donc pas de résister au marshmallow pour en avoir davantage, plus tard, mais de renoncer au marshmallow pour une récompense collective, lointaine et incertaine.

Les marshmallows sont multiples. Ce sont les comportements quotidiens de consommation : les déplacements, les achats, les loisirs…

Pour citer une participante à une de nos études, les marshmallows, ce sont « les t-shirts de ma fille » : made in China ou Bengladesh, peu durables, nocifs pour la planète, pour ceux qui les fabriquent et pour l’emploi en France mais « trop mignons » et « vraiment pas chers ». Bien sûr, ce serait mieux d’acheter de la qualité made in France mais il faudrait pouvoir. Il faudrait avoir les moyens, et aussi priver son enfant d’un plaisir facile. Et puis tout le monde le fait, alors…

Convaincre les Français de la réalité de l’urgence climatique ne semble plus un enjeu.

Leur donner les moyens ne pas l’oublier au profit de la satisfaction immédiate de besoins tout aussi réels, là est le sujet. Ils le savent et expriment clairement leurs attentes, à cet égard, envers les acteurs de pouvoir : gouvernement et grandes entreprises.  Nous sommes largement conscients de l’impact de nos comportements quotidiens individuels. Conscients, aussi, de leur insuffisance s’ils ne s’inscrivent pas dans une perspective commune et de long terme.

Réconcilier le « moi, ici et maintenant » avec le « tous, partout et longtemps », tel est le défi.

En 1972, à Stanford, un tiers des enfants n’a pas mangé le marshmallow. Ceux à qui on avait appris que la patience est facteur de succès.

Soyons ces enfants.